La Dolce Vita

6 novembre 2024 à 19h

Federico Fellini, 1960, Italie/France, 172 min


En partenariat avec le festival DOLCE CINEMA

Bande annonce

Fiche du film

Critiques :

Le journal du Dr Orlof - 2006

Je me souviens avoir découvert la dolce vita très jeune et l’avoir avalé comme on avale un classique de la littérature au lycée (c’est fait, c’est vu (lu), on n’y retournera pas). Mais comme les classiques de la littérature, les « classiques » du cinéma doivent être revus plus tard, sans contrainte ni obligation culturelle. C’est à ce moment seulement que l’on peut percevoir leurs beautés (j’ai commencé à lire après la première, à savoir au moment où la littérature n’était plus obligatoire !). A la faveur d’une diffusion sur le câble (et pour combler mon retard puisque 3 films de Fellini m’attendent encore en DVD), je me suis replongé dans ce film-monstre qu’est La dolce vita.

 

Comment entrer dans un tel monument ? Peut-être tout simplement en se penchant sur les premiers plans, superbe séquence aérienne où un hélicoptère transporte une statue du Christ vers le Vatican. Deux choses frappent d’emblée dans cette séquence. Primo, l’ampleur du mouvement qui permet à Fellini d’embrasser en un plan tout l’élan d’un peuple (l’image de la farandole humaine sera récurrente dans le film) et d’offrir les prémisses de ce qui sera une vaste fresque des mœurs d’une génération nouvelle, celle de l’après-guerre. Deusio, ce sentiment que les statues ont été déboulonnées et qu’arrive l’ère de nouvelles mythologies, de nouvelles idoles. Le génie du cinéaste va ensuite consister à faire cohabiter un regard extrêmement ironique sur l’insatiabilité du Spectacle (avec ces paparazzis omniprésents, collant aussi bien les stars que les anonymes en proie aux plus grandes douleurs) et un véritable amour pour ce spectacle et ses origines populaires (le cirque, la danse, le cinéma…). Est-ce nécessaire d’évoquer la fameuse baignade dans la fontaine de Trevi ? Oui parce qu’il y a tout le film dans ce moment : le regard satirique de Fellini (sur les frasques des stars hollywoodiennes étalant leurs vies privées sous les flashes des photographes) et cette manière de s’inscrire d’emblée dans le Mythe. Anita Ekberg, qui doit sa renommée à ce seul passage, n’est pas une actrice : elle est une figure mythifiée de l’Actrice Hollywoodienne (dans les réponses qu’elle donne aux journaleux, certaines phrases rappellent celles de Marilyn). La séquence est magique.

 

Avec La dolce vita, Fellini aborde un tournant dans sa carrière et pose les jalons de ce qui allait devenir son style : éclatement de la narration au profit de vastes « séquences-tableaux », développement d’une mise en scène au service d’un baroque cinématographique…Quand on repense au film, on se souvient d’une succession de temps forts : la venue d’Anita Ekberg, la mise en scène des apparitions miraculeuses (une fois de plus, c’est l’idolâtrie du Spectacle qui s’est substituée à la foi), une soirée chez Alain Cuny, une virée avec le père de Marcello, l’orgie finale…A travers ces temps forts, le cinéaste livre le panorama d’une génération qui n’a pratiquement pas connu la guerre. Alors que le néo-réalisme était un cinéma de la reconstruction (épousant par son style – volontairement pauvre et au plus près du quotidien- une certaine image de l’état du pays), Fellini dessine les contours d’une nouvelle génération (strictement contemporaine de celle qui allait donner naissance aux « nouvelles-vagues » en France et un peu partout dans le monde) s’adonnant sans vergogne à la « douceur de vivre ».

Ce que je notais à propos du Spectacle me semble là aussi vrai, à savoir que le cinéaste arrive à combiner un regard assez sarcastique sur les mœurs de l’époque (hédonisme stérile, perte de toutes les illusions qui se traduisent notamment par un suicide…) et une véritable empathie pour ses personnages. Cette fameuse « douceur de vivre », elle est communicative et on aimerait être de ces soirées romaines où l’alcool coule à flot et invite aux danses les plus échevelées.

 

Panorama d’une rare ampleur sur une société et une génération, le film parvient également à être un film sur le couple. Marcello, par son mode de vie, tente de conquérir de nombreux cœurs tandis que sa fiancée se morfond. Quelle place, dans un tel monde, pour l’amour et le couple ? Les interrogations de Fellini rejoignent celles que se posera Antonioni dans l’éclipse et la nuit (entre autres).

 

En jonglant de l’universel à l’individuel, de la chronique de mœurs la plus réaliste aux visions les plus baroques et poétiques (Ah ! le poisson géant péché à la toute fin du film !), Fellini livre un film d’une rare richesse dont cette note ne prétend certainement pas rendre compte (ou d’une manière très, très maladroite et lacunaire). Considérez-la juste pour ce qu’elle veut être : une modeste invitation à se replonger au cœur de cet immense classique…


http://drorlof.over-blog.com/article-4119108.html

Ciné-club de Caen - 2002

https://www.cineclubdecaen.com/realisateur/fellini/dolcevita.htm

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